La Revue du M.A.U.S.S.
(Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales)

 La Bibliothèque du M.A.U.S.S. (1/2) :
BOILLEAU Jean-Luc, 1995, Conflit et lien social. La rivalité contre la domination
CAILLÉ Alain, 1994, Don, intérêt et désintéressement. Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres.
CARVALHO Genauto et DZIMIRA Sylvain, 2000, Don et économie solidaire. Esquisse d'une théorie socioéconomique de l'économie solidaire
CHANIAL Philippe, 2001, Justice, don et association. La délicate essence de la démocratie
DOUGLAS Mary, 1999, Comment pensent les institutions, suivi de Il n’y a pas de don gratuit , et La Connaissance de soi.
FREITAG Michel, 1996, Le Naufrage de l’Université et autres essais d’épistémologie politique.
GODBOUT Jacques T., 2000, Le Don, la dette et l'identité, Homo donator vs. Homo œconomicus.
LACLAU Ernesto, 2000, La Guerre des identités. Grammaire de l’émancipation.
  LATOUCHE Serge, 1996, La Mégamachine. Raison technoscientifique, raison économique et mythe du progrès.
MOUFFE Chantal, 1994, Le Politique et ses enjeux. Pour une démocratie plurielle.
NICOLAS Guy, 1995, Du don rituel au sacrifice suprême.
NODIER Luc Marie, 1995, L’anatomie du bien. Explication et commentaire des principales idées de Platon concernant le plaisir et la souffrance, la bonne façon de vivre et la vie en général.
ROSPABÉ Philippe, 1995, La dette de vie. Aux origines de la monnaie.
TAROT Camille, 1999, De Durkheim à Mauss, l’invention du symbolique. Sociologie et sciences des religions.
VANDENBERGHE Frédéric, Une histoire critique de la sociologie allemande. Aliénation et réification.
— t.1, 1997, Mars, Simmel, Weber, Lukacs.
— t.2, 1998, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Habermas.

Conflit et lien social
La rivalité contre la domination
Jean-Luc BOILLEAU,
204 p., 145 F, 22,11 euros

     Agôn, c’est la lutte, le concours, la rivalité dans tous les domaines, l’opposition. Mais c’est aussi le lien qui unit les adversaires. Agôn, c’est encore la gratuité, le combat pour la gloire, c’est-à-dire pour rien. Du point de vue agonistique, être humain signifie simplement refuser de se soumettre à quoi que ce soit, d’abdiquer devant l’autre comme devant la nécessité. En Agôn, pour conjurer la domination, les combattants rivalisent, en face-à-face, avec tout ce qui prétend s’imposer.
     Des fastes de l’Agôn immémorial, seul le sport témoigne aujourd’hui. C’est que loin de constituer une invention récente, comme on nous le dit partout, il atteste de la persistance d’un universel anthropologique dont il serait bon que nous acceptions de nous souvenir si nous voulons comprendre quelque chose aux explosions qui touchent les banlieues et à l’éclatement des États qui semblaient hier encore indestructibles. Et si nous voulons renouer avec une conception du politique selon laquelle, parce qu’il est placé au milieu du cercle formé par les rivaux, le pouvoir est inappropriable et inoccupable.
     Dans ce livre, qui surprend parce qu’il échappe à tous les genres constitués, l’auteur nous entraîne dans un voyage en Agôn. Étrange Odyssée au cours de laquelle on rencontre, sur des ilôts agonistiques battus par les flots de la pensée rationnelle, des guerriers ossètes et des loubards de banlieue, Achille et Cantonna, Héraclite et Bourdieu, Socrate et Mauss, Platon et Cassius Clay.

Jean-Luc BOILLEAU, collaborateur du M.A.U.S.S. et auteur de nombreux articles sur le sport et la rivalité, est né en 1948 à Casablanca. Docteur en sociologie, il enseigne celle-ci à l’université de Perpignan et la philosophie au lycée Arago de cette même ville. Il a été international de judo à la fin des années soixante.


Don, intérêt et désintéressement
Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres
Alain CAILLÉ
304 p., 180 F, 27,44 euros

     En tant qu’hommes et femmes modernes nous nous trouvons écartelés entre deux séries de certitudes et d’exigences parfaitement inconciliables. D’une part, notre époque nous pousse impérieusement à croire que rien n’échappe à la loi toute puissante de l’intérêt et qu’il nous faut nous-mêmes nous y plier en devenant des « calculateurs » avisés. D’autre part, nous aspirons tous à nous y soustraire pour accéder enfin à cette pleine générosité, à ce don pur et entier, que la tradition religieuse dont nous sommes issus nous enjoint de rechercher. Mais c’est là une tâche impossible, rétorque la première croyance pour qui rien n’échappe au calcul, si bien qu’il ne saurait exister de générosité et de don que mensongers.
   Pour Alain Caillé, la question est mal posée. L’examen, à travers deux de ses plus grands représentants (Platon, P. Bourdieu), de ce qu’il appelle « l’axiomatique de l’intérêt » ; celui, à l’inverse, des caractérisations du don par une impossible et inaccessible pureté (J. Derrida), révèle la profonde solidarité qui unit les deux pôles de l’esprit moderne, et incite à chercher, dans le sillage du Marcel Mauss de l’Essai sur le don, une conception du don plus harmonieuse et raisonnable. Rien n’est sans doute en effet plus urgent si nous voulons penser notre temps, scientifiquement et moralement, à égale distance du cynisme et de l’idéalisme.

Alain CAILLÉ, né en 1944, est professeur de sociologie à l’université de Paris-X-Nanterre, et enseigne également, en économie, à Paris-I. Directeur de La Revue du M.A.U.S.S., il est notamment l’auteur de Splendeurs et Misères des sciences sociales (Droz, 1986), de Critique de la raison utilitaire (La Découverte, 1989) et de La Démission des clercs (La Découverte, 1993). Il est aussi le co-auteur avec Jacques T Godbout de L’Esprit du don (La Découverte, 1992).


Don et économie solidaire
Esquisse d'une théorie socioéconomique de l’économie solidaire
par Genauto Carvalho et Sylvain Dzimira, 112 p., 50 F, 7,62 euros
Hors-série de La Revue du MAUSS

     À l’heure d’une mondialisation qui, pour le meilleur ou pour le pire, semble devoir tout emporter sur son passage, il est urgent de rappeler que le lien social ne peut pas être fondé exclusivement sur l’utilitarisme. Et que, même en matière d’économie, à côté du principe marchand, il faut faire place à la logique de la redistribution comme à l’esprit de la réciprocité. En s’inspirant des travaux des courants de pensée qui se réclament de l’économie solidaire et du M.A.U.S.S. (Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales) G. Carvalho et S. Dzimira donnent ici les moyens d’analyser les modes d’articulation nécessaires entre marché, État et don.

   « Il manquait un texte pédagogique de synthèse fixant les grands axes et les lignes de force de l’économie solidaire et du paradigme du don. Le voici. Que les auteurs en soient remerciés » (A. Caillé, J.L. Laville, Préface).


Justice, don et association
La délicate essence de la démocratie,
par Philippe Chanial, 384 p., 177,11  F, 27 euros

     Peut-on penser et rendre effective l'exigence de la justice et de la démocratie en faisant l'hypothèse que nous sommes tous essentiellement des calculateurs impénitents, avant tout soucieux de leur seul intérêt personnel ? Oui, répond le libéralisme contemporain qui, de John Rawls à John Harsanyi ou David Gauthier s'efforce de dessiner les traits d'une juste démocratie réduite à des règles de coexistence pacifique entre ces sujets « mutuellement indifférents », si caractéristiques de l'actuelle société de marché. Non, objectent les « communautariens » et les républicains, qui en appellent à la nécessité d'une conception du bien commun partageable par tous, au risque de sembler vouloir ressusciter le fantôme de la société close d'antan
     Tout en soumettant la théorie politique contemporaine à un examen aussi pédagogique qu'exigeant, Philippe Chanial montre comment nombre des débats actuels les plus cruciaux et des écueils sur lesquels ils achoppent, trouvent leur solution dans une tradition de pensée trop oubliée mais si près de renaître aujourd'hui : l'associationnisme civique, qui a constitué l'une des matrices principales de la pensée politique et des sciences sociales du XIXe siècle et du premier tiers du XXe siècle (au moins en France et aux États-Unis). Sous cet éclairage inédit, Tocqueville, Saint-Simon et Pierre Leroux, Jaurès, Durkheim ou John Dewey apparaissent unis par une commune intelligence de ce que Marcel Mauss appelait la « délicate essence » de la cité.
Cet associationnisme civique, constellation assurément hétéroclite, vient nous rappeler qu'il existe une forme de bonheur dont la raison libérale et utilitaire est incapable de rendre compte, ce bonheur public que nous éprouvons dans l'engagement civique et associatif. Ce livre qui marque sa redécouverte devrait parler en profondeur tant aux philosophes, aux politistes ou aux sociologues qu'aux militants associatifs.

     Philippe Chanial, 33 ans, maître de conférence en sociologie à l'université de Caen, auteur de nombreux articles, est membre du comité de rédaction de La Revue du MAUSS.


Comment pensent les institutions
suivi de Il n’y a pas de don gratuit et La Connaissance de soi
Mary DOUGLAS,
180 p., 145 F, 22,11 euros

     Les institutions pensent-elles ? Et, si oui, comment font-elles ? Ont-elles un esprit en propre ? Dans ce livre, Mary Douglas prend à bras-le-corps toutes ces questions pour jeter les bases d’une théorie des institutions. On explique d’ordinaire le raisonnement humain par les propriétés de la pensée individuelle. Mary Douglas se focalise, elle, sur la culture et nous entraîne dans un parcours provocateur et passionné, placé sous le double patronage de la sociologie d’Émile Durkheim et de la philosophie des sciences de Ludwik Fleck. D’où il ressort que nous aurions tort de croire que seule la pensée des peuples primitifs serait modelée par les institutions, tandis que notre modernité, elle, verrait advenir une pensée véritablement individuelle. Les questions essentielles, les décisions de vie ou de mort par exemple, ne peuvent jamais être résolues à un niveau purement individuel.
     Avec le présent livre, qu’elle considère comme une « introduction après coup » à son célèbre De la souillure, Mary Douglas se place directement au cœur du débat épistémologique central des sciences sociales, grâce à une critique croisée de l’individualisme méthodologique et du holisme. En se fondant notamment sur une discussion magistrale du théorème du passager clandestin (free rider), elle rejoint ainsi à la fois le programme de recherche conventionnaliste et la sociologie des sciences en leur apportant le secours d’un éclairage durkheimien lucidement reconsidéré. Cet ouvrage est suivi de l’introduction à la traduction anglaise du fameux Essai sur le don de Marcel Mauss et d’un texte sur l’identité du moi (« La connaissance de soi »), qui ont déjà fait du bruit en France et à l’étranger.

Mary DOUGLAS, anthropologue, a enseigné aux universités de Londres, Columbia, Northwestern et Princeton. Ses travaux d’africaniste lui ont valu la Memorial Medal du Royal Institute. Elle a publié une quinzaine d’ouvrages, dont De la souillure (Maspero, 1971 ; La Découverte, 1992), un des classiques de l’anthropologie, et d’autres titres consacrés à la logique des catégories de pensée (Natural Symbols, 1970 ; Implicit Meanings, 1975), au rapport de nos sociétés au risque (Risk and Culture, avec Aaron Wildavski, 1982) ou à la consommation (The World of Goods, avec Baron Isherwood, 1979).
     Traduit de l’anglais par Anne Abeillé.


Le Naufrage de l’Université
et autres essais d’épistémologie politique
Michel FREITAG,
302 p., 175 F, 26,68 euros

     Il n’est peut-être pas de réforme plus urgente que celle de l’Université. Mais pas de réforme non plus qui semble aussi irrémédiablement vouée à l’échec. N’est-ce pas là l’effet du profond fossé qui s’est creusé entre l’idéal sur lequel s’est édifié l’Université et sa réalité actuelle ? L’idéal était celui d’un lieu délivrant une culture désintéressée et un savoir ayant valeur universelle. La réalité est aujourd’hui celle d’un savoir « utilitaire », dont on ne retient que l’efficacité pragmatique. S’abolit ainsi la différence entre science et technique, nature et société, être et devoir être. Si l’on veut une vraie réforme de l’Université, on ne fera donc pas l’économie d’une réflexion épistémologique approfondie sur cet écart béant entre l’idéal et la réalité.
     Tel est le propos de cet ouvrage, où l’auteur analyse le mécanisme de cette confusion du pouvoir et du savoir dans le savoir-faire. Les essais ici réunis visent à susciter une prise de conscience, nécessaire à la reconstruction raisonnée des sciences humaines et sociales comme disciplines de réflexion et de formation. Ce qu’elles étaient à l’origine, lorsqu’elles inscrivaient leur projet de connaissance et de formation dans le cadre des humanités. C’est cet esprit et cette dynamique qui doivent et qui peuvent, démontre l’auteur, être restaurés, tout en les adaptant aux exigences de notre époque.
     Michel Freitag est le sociologue et le philosophe par excellence de la société postmodeme. On connaît peu de réflexions contemporaines qui atteignent cette cohérence et cette puissance réflexive : on croit parfois lire un Habermas dont l’inspiration serait plus hégélienne que kantienne. En dehors d’articles publiés dans La Revue du MAUSS, son œuvre est pourtant mal connue en France : cette coédition franco-québécoise permet de réparer cet oubli et de présenter au lecteur français, à partir d’une analyse aiguë de la crise de l’Université, les principaux moments d’une théorie systématique de la postmodernité.

Michel FREITAG, né en Suisse à La Chaux-de-Fond, ancien chercheur au CNRS, est depuis 1971 professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Animateur au Québec du " Groupe d’études sur la postmodernité ", il est également le directeur de la revue Société. Outre de nombreux et importants articles, il est notamment l’auteur de Dialectique et société (L’Age d’Homme/Saint-Martin, Lausanne/Montréal, 1986).


Le don, la dette et l’identité
Homo donator vs. Homo œconomicus
Jacques T. GODBOUT, 192 p., 185 F, 28,20 euros

     Dans L’Esprit du don, Jacques T. Godbout montrait que le don occupe encore une place de première importance dans nos sociétés, à côté du marché et de l’État. Dans ce nouvel ouvrage, il généralise son propos : le don est ce mode de circulation des biens et services propre aux réseaux et où n’intervient pas la séparation entre un public et des professionnels. Dans la famille ou dans la société, le monde des réseaux fonctionne au don et à la dette, et non pas à l’équivalence (comme dans le marché) ou à l’égalité (comme dans l’État). Quand les réseaux fonctionnent bien, cette dette est positive : elle n’engendre pas angoisse et aliénation, mais confiance et désir de loyauté. Le don apparaît ainsi indissociable du sens : c’est l’intention qui compte et c’est le sens qui fait le don. Enfin, c’est à travers la relation de dette (positive ou négative), de don et de contre-don, que se forment ou se déforment les identités.
     Nourri par de nombreuses recherches empiriques, ce livre propose ainsi un véritable paradigme alternatif à celui de la science économique et de la sociologie utilitariste. Au lieu de postuler que nous serions tous des homo œconomicus, qui ne songent qu’à prendre et à garder, il risque l’hypothèse inverse : ne serions-nous pas plutôt du genre homo donator, davantage motivés en fait à donner qu’à recevoir ?
     Sans aucune pose théoriciste, modestement et avec rigueur, Le don, la dette et l’identité prend à contre-pied un grand nombre d’idées reçues dans les sciences sociales.

Jacques T GODBOUT, professeur-chercheur à l’Institut national de la recherche scientifique (Université du Québec), est l’auteur de La participation contre la démocratie (Saint-Martin), La démocratie des usagers (Boréal) et, en collaboration avec Alain Caillé, de L’Esprit du don (La Découverte/Boréal). Considéré comme un des meilleurs spécialistes mondiaux de la sociologie du don, J. T. Godbout est membre du comité de rédaction de La Revue du MAUSS.


La Guerre des identités
Grammaire de l'émancipation
Ernesto LACLAU,
144 p., 115 F, 17,53 euros

     Depuis deux siècles au moins, l’objectif premier de la lutte politique avait été celui de la libération : peuples, classes ou individus, tous les sujets de l’action politique n’aspiraient qu’à s’émanciper. Cette visée de la libération affirmait en même temps le principe de l’égalité de tous les êtres humains, dessinant ainsi la figure de l’universalisme : dans les « jeux de langage » de la politique moderne, l’égalité l’emportait sur les différences. Or, miné par ses contradictions internes, ce discours de l’émancipation se décompose aujourd’hui : la guerre des identités — de genre, d’origine ou de culture — prend le pas sur la lutte pour l’égalité. Que ce soit aux États-Unis, avec le débat sur le multiculturalisme, en Suisse ou en Autriche où progressent les discours xénophobes, ou dans nombre de pays musulmans, partout c’est la revendication de l’identité culturelle qui s’affirme et prend le pas sur l’idéal d’égalité.
     Pour comprendre ce qui se joue désormais à l’échelle planétaire, pour définir de nouveaux objectifs politiques prenant le relais de la tradition de la gauche, c’est l’ensemble des catégories centrales du discours politique hérité — la libération, l’universalisme, le particularisme, le pouvoir, l’idéologie, etc. — qu’il importe de soumettre à un examen critique. C’est ce à quoi s’emploie, avec une rare rigueur, cet ouvrage, qui rassemble les éléments d’une théorie générale du politique organisée à partir du concept central d’hégémonie.

D’origine argentine, professeur émérite à l’université d’Essex, Ernesto LACLAU est considéré en Amérique latine et aux États-Unis comme un des principaux théoriciens du politique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont, avec Chantal Mouffe, Hegemony and Socialist Strategy, un classique des départements de philosophie et de sciences politiques dans le monde universitaire anglo-saxon.
   Traduit de l’anglais par Claude Orsoni.


La Mégamachine
Raison technoscientifique, raison économique et mythe du progrès
Serge LATOUCHE
, 244 p., 139 F, 21,19 euros

     La plus extraordinaire machine jamais inventée et construite par l’homme n’est autre que l’organisation sociale. Sous l’égide de la main invisible, techniques sociales et politiques d’une part (de la persuasion clandestine publicitaire au viol des foules par la propagande, démultipliées par les autoroutes de l’information et les satellites), techniques économiques et productives d’autre part (du fordisme au toyotisme, de la robotique à la biotechnologie) s’échangent, fusionnent, s’interpénètrent. Elles s’articulent désormais en un gigantesque réseau mondial mis en œuvre par des firmes et des entités transnationales qui soumettent États, partis, sectes, syndicats, ONG, etc. L’emprise de la rationalité technoscientifique et économique donne à l’ensemble une ampleur inédite et en fait une « mégamachine » jamais vue dans l’histoire des hommes.
     Sur le thème de l’unité et de la diversité de la mégamachine planétaire, ce livre rassemble des essais qui s’inscrivent dans le cadre du grand débat contemporain sur le statut de la technique, marqué notamment par les thèses de J. Ellul, D. Janicaud et G. Hottois. Ils mettent en question le mythe du progrès qui nous sert de substitut aux mythes religieux d’antan, sans sombrer pour autant dans la technophobie. La synthèse unifiée du technocosme sous le signe de la rationalité se heurte en effet à des obstacles qui naissent du caractère pluriel de la Raison, simultanément technicienne, économique et politique. Les ouvrages précédents de Serge Latouche concluaient sur la nécessité de « réenchâsser » l’économique dans le social, celui-ci plaide en faveur d’un réenchâssement de la technique. La technique n’est pas en soi une figure du mal. Le danger inhérent aux techniques modernes ne tient-il pas davantage à leur modernité qu’à leur technicité ?

Serge LATOUCHE, un des animateurs de La Revue du M.A.U.S.S., est professeur à l’université de Paris-XI (Sceaux) et à l’IEDES (Institut d’étude du développement économique et social, Paris-I). Spécialiste du tiers monde et de l’épistémologie des sciences sociales, il est l’auteur, notamment, de Critique de l’impérialisme (Anthropos, 1979), Faut-il refuser le développement ? (PUF, 1986), L’occidentalisation du monde (La Découverte, 1989) et La Planète des naufragés (La Découverte, 1991).